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Abdel Moustapha

Découvrez l'inforamtion cachée, le fruit d'une longue investigation. Abdel Moustatpha vous livre sans tabou ce que les médias traditionnels vous cachent

Déclaration de me AGBOYIBO à la clôture des débats lors du procès en 2001

Publié le 4 Avril 2013 par @Abdel-L'investigateur

Monsieur le Président,

J'avais dit avant hier que je ne voudrais pas parler en l'absence de M. Agbéyomé Kodjo. Ce en raison de la nature de l'affaire. Il fallait qu'Agbéyomé soit là et que les yeux dans les yeux nous nous disions un certain nombre de vérités. Dans la mesure où je n'ai pas pu bénéficier de ce face à face dans le Cabinet du juge d'instruction, j'espérais que devant vous on allait l'avoir. Mais voilà qu'Agbéyomé s'est dérobé à l'exercice. J'ai dit qu'il est injuste que ce procès soit unilatéral. Ce n'est pas parce que l'une des parties au procès a un manteau officiel qu'elle peut se dérober aux exigences élémentaires d'une bonne administration de la justice. Je n'ai pas compris cela. Déjà dans un procès civil, il est dit que nul ne peut plaider par procureur. L'avocat peut développer des arguments de droit à la place de son client. Mais lorsqu'il s'agit des faits qui doivent servir d'ossature à la décision à rendre, il faut que ce soit les parties elles-mêmes qui les rapportent. A plus forte raison, ne peut-il en être autrement dans un procès pénal initié de surcroît par un citoyen agissant à titre privé. Il est donc normal que mes avocats aient exigé la présence d'Agbéyomé. Je ne pense pas qu'il soit trop tard pour qu'on leur donne raison. J'espère que lors de votre délibération, vous saisirez le bien-fondé de leur démarche pour qu'en fin de compte le débat contradictoire puisse avoir lieu. Ce d'autant plus qu'un certain nombre de propos tenus par le conseil de la partie civile, Me Tchalim, dans sa plaidoirie et par le Procureur de la République dans son réquisitoire, sont de nature à faire rouvrir les débats.

Mais d'ores et déjà, j'aimerais faire deux mises au point :

La première concerne les faits servant de support à la plainte de M. Agbéyomé. Vous vous rappelez qu'à l'ouverture du procès, lorsque le Procureur de la République a été convié à montrer dans notre communiqué de presse du 6 octobre 1998, le passage où le CAR a affirmé qu'Agbéyomé a été l'instigateur de l'assassinat de Kégbé, il a indiqué, après quelques instants d'embarras, le paragraphe 2 libellé comme suit : "Depuis lors plus de 100 miliciens du RPT, tous armés et se réclamant du parrainage de Kodjo Agbéyomé sèment la terreur au sein des populations sans être nullement inquiétés malgré une lettre adressée à leur propos au Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité par Monsieur Gboné Henri, député de la localité".

Or, une fois clôturée l'instruction du dossier, quand vous lui avez donné la parole pour prendre ses réquisitions, il s'est mis à commenter, à sa façon, d'autres passages du communiqué de presse qu'il n'avait pas incriminés et qui, effectivement, ne font nullement mention du nom d'Agbéyomé. On ne peut pas baser des réquisitions ou des plaidoiries sur des faits non évoqués durant le débat contradictoire. Aussi, n'ai-je point de doute que vous n'attacherez aucune valeur aux arguments tirés de tels faits.

La deuxième mise au point a trait à ce que le conseil de la partie civile, Me Tchalim, a qualifié de tentative de règlement à l'amiable du dossier. J'aurais voulu par décence ne pas lui répondre en l'absence d'Agbéyomé. Il aurait été mieux que ce dernier soit dans la salle au moment où l'on parle de cet aspect du dossier. Mais mon silence serait tout autant anormal. Parce que je ne saurais admettre que l'ont me fasse passer pour quelqu'un d'hostile à la paix dans ma préfecture, tant il est évident qu'avant d'aspirer à promouvoir la concorde à l'échelon national, il faut d'abord l'instaurer dans sa localité, dans sa préfecture, dans sa région.

Il est donc extrêmement grave que mon confrère ait cherché à laisser l'impression qu'au lieu d'un règlement à l'amiable, j'ai préféré un procès pour en tirer des effets politiques, pour faire ma popularité. Je le dis sans la moindre amertume envers le confrère. Et je n'entends point compromettre les bons rapports qui nous lient en faisant état du messager qu'il a envoyé pour me rassurer qu'il est de cœur avec moi. Je ne voudrais pas par-là signifier que tout ce qu'il a pu raconter durant ces trois jours relève du théâtre. Non. J'aurais été trop sévère. Mes propos tendent simplement à faire comprendre que malgré tout, Tchalim n'est pas si étranger à la grande solidarité que les confrères et les consœurs ont manifestée envers moi durant cette épreuve. Quand bien même je continue à croire qu'il aurait mieux valu qu'il se soit abstenu d'évoquer la tentative de règlement amiable en l'absence d'Agbéyomé. Et parce qu'il l'a fait dans sa plaidoirie, après la clôture de l'instruction du dossier, je me dois de fournir les éléments devant permettre d'apprécier ce qui s'est passé de façon à dissiper l'impression que le confrère a cherché à créer.

Le lundi 02 avril dernier, j'ai reçu une délégation de 11 à 12 chefs traditionnels chez moi. C'était en présence d'un certain nombre de cadres de la préfecture. Le porte-parole des chefs traditionnels disait que le 24 mars Agbéyomé les avait réunis à Tabligbo et qu'au cours de la réunion il a évoqué la plainte qu'il a portée contre moi. Les chefs traditionnels lui ont demandé s'ils pouvaient apporter leur contribution pour le dénouement de l'affaire. Il a répondu qu'il n'y trouverait pas d'inconvénient. C'est à la suite de cette réunion qu'ils ont tenu à me voir pour mettre fin au procès. Je leur ai dit que ce n'est pas moi le plaignant, que c'est Agbéyomé, et que la solution consiste à demander à ce dernier de retirer purement et simplement sa plainte. Ils m'ont dit qu'en préalable au retrait de la plainte, Agbéyomé voudrait que je rétracte les faits que je lui ai imputés. J'ai demandé aux chefs traditionnels de me dire les faits dont il s'agit. Ils m'ont déclaré qu'Agbéyomé leur a laissé entendre que j'aurais affirmé dans un communiqué que c'est lui qui est l'instigateur de l'assassinat de Kégbé. Comme j'avais des exemplaires du communiqué en question, j'en avais distribués à ceux d'entre eux qui pouvaient le comprendre. Bon nombre d'entre eux sont lettrés : Togbui Viagbo, Togbui Assignon… Tous après avoir lu, m'ont dit qu'ils ne retrouvent pas dans ce communiqué aucun passage où il est écrit qu'Agbéyomé est l'instigateur de l'assassinat de Kégbé. A la suite de quoi ils m'ont quitté pour se rendre chez Agbéyomé à la primature pour lui demander, m'ont-ils dit, de retirer sa plainte. J'ai été surpris d'entendre Agbéyomé dire le soir sur les médias d'Etat qu'il n'a, à aucun moment, initié une démarche de règlement à l'amiable de l'affaire.

Je tiens à ajouter qu'avant la rencontre avec les chefs traditionnels, j'ai reçu, la veille, une autre délégation venue me voir au nom d'Agbéyomé. Elle est composée de Mme Amouzou dont le nom est cité par plusieurs témoins au cours de ce procès, et de M. Amétogbé Kossi, le remplaçant d'Agbéyomé à l'Assemblée Nationale. Je leur ai demandé l'objet de la rencontre. Les deux émissaires m'ont déclaré que c'est pour le règlement à l'amiable de l'affaire. Ils m'ont précisé qu'Agbéyomé est disposé à retirer sa plainte, mais à condition que je le disculpe des accusations portées contre lui. Ils m'ont soumis un texte élaboré à cet effet par M. Agbéyomé ; texte par lequel je devrais déclarer que c'est à tort que j'ai accusé ce dernier d'avoir commandité le meurtre de Kégbé. Je leur ai montré le communiqué du CAR du 6 octobre 1998. Ils l'ont lu et furent tous deux d'accord à dire qu'il n'y a aucun passage contenant l'accusation dont parle Agbéyomé. Ils sont repartis et revenus quelques instants après avec un second texte me conviant cette fois-ci à reconnaître d'avoir faussement accusé Agbéyomé, non plus d'être l'instigateur de l'assassinat de Kégbé, mais d'avoir été parrain du groupement des malfaiteurs de Sendomé. J'ai interpellé les deux émissaires à relire le communiqué. Je leur ai dit que dans ce communiqué le CAR n'a à aucun passage déclaré qu'Agbéyomé est parrain du groupement mais que ce sont les malfaiteurs qui font courir le bruit qu'il est leur parrain. Le député Amétogbé Kossi a déclaré qu'effectivement il est connu de tout le monde dans le canton de Sendomé que les malfaiteurs racontent qu'Agbéyomé est leur parrain et que ce dernier ne peut pas dire le contraire. M. Amétogbé est parti plus loin en précisant les circonstances dans lesquelles le groupement s'est fait introduire à Agbéyomé. Il a précisé que Akomabou, le chef des miliciens, s'était adressé dans un premier temps à lui pour introduire le groupement à Agbéyomé. Mais connaissant ce groupement comme étant une bande de malfaiteurs, il a hésité à accepter le service. Il s'est adressé à son père pour avoir ses conseils. Celui-ci lui a vivement interdit d'accompagner Akomabou chez Agbéyomé. C'est à la suite de cela que Akomabou est parti à Gboto Klohomé, un canton voisin à Sendomé, chez Logo du RPT qui les a introduits à Agbéyomé. Tous ces propos m'ont été tenus par Amétogbé en présence du député Gboné.

Au demeurant, peu après le début du procès, un jeune homme, premier président de l'AJD, une association créée par Agbéyomé, est venu me dire que c'est par son canal que Akomabou a adressé à Agbéyomé la demande de parrainage du groupement, qu'il détient l'original de la demande et qu'il serait prêt à l'exhiber au Tribunal, en cas de besoin, en présence de M. Agbéyomé.

Monsieur le Président, j'aurais préféré relater ces faits en présence de M. Agbéyomé pour qu'au cas où ce dernier viendrait à les nier, vous puissiez organiser les confrontations nécessaires avec les personnes que j'ai citées. Malheureusement ce n'est pas le cas. Agbéyomé se dérobe à la confrontation, à la vérité. J'aurais beaucoup parlé si Agbéyomé était là. Mon contradicteur normal c'est Agbéyomé. Je considère qu'il est malsain qu'il s'abrite derrière son manteau officiel pour demander à Me Tchalim et au Procureur de la république M. N'Dakéna de discuter à sa place des faits qu'ils ne connaissent pas.

Et de ce point de vue, j'ai particulièrement pitié de M. N'Dakéna. Je l'ai rencontré pour la première fois dans le cabinet du Doyen des juges d'instruction. Il m'a paru être un homme de mérite, un homme de grande qualité. Ce n'est donc pas par défaut personnel, si depuis trois jours il a laissé la triste impression que plusieurs confrères et consœurs ont dénoncée. C'est à cause de la difficulté à exercer les fonctions de magistrat de parquet dans le contexte politique qui est le nôtre. Les textes veulent que le magistrat du Parquet représente la république. Et comme la république est nécessairement incarnée par un Pouvoir, M. N'Dakéna est condamné à être le reflet du pouvoir en place. C'est à travers ces contraintes qu'il faut comprendre les contradictions qu'il a affichées le long du procès. Car, comment pourrait-on comprendre qu'après m'avoir convié, dans un premier temps, à m'expliquer sur l'unique paragraphe 2 du communiqué du 6 octobre 1998 qui ne contient aucunement l'affirmation alléguée par Agbéyomé, il ait, le lendemain au moment de ses réquisitions, cherché à commenter l'intégralité du communiqué comme si ce qu'il a vainement recherché dans le paragraphe incriminé pouvait par miracle se trouver ailleurs. Heureusement que j'avais pris soin de demander qu'il me soit donné acte du passage incriminé.

En tout état de cause, je continue à penser que, par la décision que vous rendrez, vous convierez M. Agbéyomé à comparaître en personne devant vous pour m'indiquer le passage du communiqué où j'ai affirmé qu'il est l'instigateur de l'assassinat de Kégbé. Vous verrez alors à quel point il aura du mal à trouver un tel passage. Il ne le trouvera pas. Et c'est à dessein que notre parti s'est gardé d'écrire dans le communiqué les propos qu'Agbéyomé lui prête. Nous sommes un parti prudent. Avant d'élaborer le communiqué, le CAR s'était entouré de plusieurs témoignages concernant les événements de Sendomé, notamment l'assassinat de Kégbé. A travers ces témoignages nous avions recueilli les noms de certains des auteurs et commanditaires du meurtre. Nous aurions pu faire mention de ces noms dans le communiqué. Mais le Comité directeur de notre parti a décidé ne les dévoiler que dans le cadre de l'enquête qui devrait s'ouvrir à la suite d'une démarche à entreprendre en direction du Ministre de l'intérieur et de la sécurité. C'est d'ailleurs pour cette raison que, pendant la phase d'instruction de ce procès, je me suis borné à produire comme témoins les personnes qui sont à même d'éclairer la Justice sur le second paragraphe du communiqué du 6 octobre 1998 ; paragraphe dans lequel il est écrit que les miliciens du RPT se réclament du parrainage d'Agbéyomé. Et c'est sous le même angle que la mère et l'épouse de Kégbé, ainsi que la mère de Bessanvi, l'un des malfaiteurs, ont tenu à témoigner devant ce Tribunal. Plus de 100 autres personnes transportées par 8 véhicules de 15 places devraient s'ajouter à ces témoins si elles n'avaient été bloquées par la gendarmerie au niveau du village de Tchékpo (préfecture de Yoto).

Monsieur le Président, notre communiqué du 6 octobre 1998 n'a donc évoqué le nom d'Agbéyomé qu'au sujet du parrainage du groupement des malfaiteurs de Sendomé.

Lorsque, le moment venu, il sera question de la responsabilité de l'assassinat de Kégbé, M. Agbéyomé verra s'il sera cité ou non parmi les auteurs et commanditaires.

Vous convenez donc, M. le Président, que c'est à juste titre que mes avocats ont, tour à tour, dénoncé le caractère scandaleux de ce procès. Comment le procureur de la république peut-il, dans ces conditions, vouloir me faire condamner à une peine d'emprisonnement de 6 mois.

Comment peut-il, poussant les choses au comble, requérir que la peine d'emprisonnement soit assortie de mandat de dépôt et me priver par là du bénéfice des recours dont doit normalement jouir tout justiciable. Si je viens à être condamné, je devrais pouvoir relever appel de la sentence. Mais alors à quoi servirait l'appel si je suis contraint d'exécuter la peine avant la décision de la Cour d'Appel. Je ne comprends pas l'acharnement du procureur de la république. A ce que je sache, le tribunal ne peut ordonner l'exécution immédiate de la peine d'emprisonnement par le biais d'un mandat de dépôt que dans deux hypothèses :

La première est celle où l'infraction est si grave que les populations peuvent être révoltées de voir le délinquant continuer à circuler librement malgré sa condamnation. Je me demande, M. le Président, si les faits pour lesquels je comparais devant vous m'exposent à ce sentiment populaire. Ces faits sont-ils si graves ? Le procureur de la république le laisse croire dans son réquisitoire. Mais comment peut-on qualifier de graves des faits qui n'existent pas.

La deuxième hypothèse est celle où il est à craindre que le condamné ne s'évade, ne prenne la fuite. Mais là aussi dans mon cas, qui peut redouter un tel risque. Ce procès a été réactivé en mars 2001. J'ai eu à me présenter à 4 reprises dans le cabinet du Doyen des juges d'instruction. Chaque fois j'étais alerté que j'allais être arrêté. Et lorsque, à la clôture de l'instruction, mes avocats m'ont fait savoir que le Parquet avait requis le 30 mars 2001 un mandat de dépôt à mon encontre, j'ai mesuré le sérieux des informations que je détenais. J'aurais pu prendre la fuite. J'aurais pu moi aussi me faire accorder le statut de réfugié quelque part. Mais je me suis dit non. Il n'est pas question pour moi de quitter le pays. Et puis M. le Président, depuis trois jours j'ai fait le va-et-vient entre mon domicile et le Palais de justice. Et bien des fois au cours des audiences il m'est arrivé de sortir. Des personnes inquiètes de l'allure que prend le procès, m'ont plusieurs fois abordé pendant ces sorties pour me chuchoter à l'oreille de ne plus revenir dans la salle. Vous ne saurez, M. le Président, mesurer la peine que ne cause ce genre de conseil. Je ne comprends pas que des gens qui m'aiment puissent m'inciter à un comportement indigne. Je ne me vois pas en train de me dérober à la justice. Je vous fais confiance M. le Président. Je sais que je ne mérite pas une condamnation et moins encore un mandat de dépôt. Je n'ai commis aucune infraction de nature à susciter un sentiment populaire de répulsion. Je ne présente pas de signe de quelqu'un qui peut prendre la fuite.

Pourquoi alors le procureur de la république voudrait-il me priver d'un processus judiciaire normal qui laisse au justiciable la possibilité de faire réparer, s'il y a lieu, par la Cour d'Appel et éventuellement par la Cour Suprême des erreurs qui viendraient à être commises à ses dépens par le juge du premier degré ?

Quel crime ai-je commis pour mériter un tel sort ? Qu'avais-je fait de si mauvais en signant un communiqué par lequel mon parti a rapporté qu'un groupement de malfaiteurs qui semait la terreur à Sendomé prétend avoir pour parrain M. Agbéyomé.

Comment le CAR aurait-il pu s'abstenir de faire ce qu'il a fait. M. le Président, à l'occasion de ce procès, vous aviez suivi les témoignages concernant les événements horribles de Sendomé : cambriolages de nuit et de jour, vols à mains armées, viols en groupe des femmes d'autrui sous le regard contraint de leur mari, persécutions des militants des partis d'opposition… Durant plusieurs mois les criminels bénéficiaient d'une impunité totale en dépit des démarches réitérées du chef Adodo de Tométy-Kondji en direction du préfet de Yoto, du commandant de la brigade de Gendarmerie de Tabligbo, de M. Agbéyomé Kodjo du RPT. En vain M. Gboné Henri, député-CAR pour la région à l'époque avait-il saisi le Ministre de l'Intérieur. Le drame perdurait. Le chef des malfaiteurs, M. Akomabou, est toujours en liberté malgré sa condamnation à 10 ans d'emprisonnement. Le climat de terreur ne cessait de s'aggraver dans le canton de Sendomé. Les habitants se sentirent contraints de s'exiler au Bénin ou vers d'autres préfectures du Togo. Plusieurs villages du canton étaient quasiment déserts. Mais alors : jusqu'à quand pouvait-on continuer à garder silence sur une telle situation ? Il fallait à un moment donné que le drame soit porté à la connaissance du public.

L'assassinat de Kégbé Mathieu dans la nuit du 29 au 30 septembre 1998 fut le détonateur. Le CAR a sorti le 06 octobre 1998 le communiqué dont se plaint M. Agbéyomé. Il a fallu ce communiqué pour que des organisations humanitaires telle qu'Amnesty International s'intéresse aux événements de Sendomé et en donne un écho international. Et par la suite l'OUA et l'ONU ont mis en place une commission qui, à la suite de ses vérifications, a confirmé les faits dénoncés par le communiqué du CAR. L'implication de la communauté internationale a eu pour effet de ramener la paix dans le canton. Depuis lors la plupart des habitants exilés sont de retour. Le CAR se réjouit d'avoir dénoncé les atrocités commises par le groupement des malfaiteurs de Sendomé. Nous avions œuvré pour la vérité. Et la vérité a délivré les populations opprimées. Nous sommes fiers d'avoir accompli notre devoir. C'est pourquoi je tiens à souligner que si les événements survenus à Sendomé viennent à se répéter ailleurs au Togo ; que ce soit à Malfakassa, à Tandjouaré, dans les Lacs, à Kpalimé, dans l'Akposso, le CAR rééditera dans les mêmes termes le communiqué du 6 octobre 1998. Nous n'en retirerons pas un seul mot. En signant ce communiqué je n'ai fait qu'accomplir mon devoir. Si des milliers de togolais m'ont fait confiance en me portant à la tête de notre parti, c'est pour être leur voix, la voix de eux qui sont les sans-voix.

Je voudrais terminer par les remerciements.

Je remercie tout d'abord ce public charmant qui m'a soutenu avec tant de passion. On serait tenté de n'y voir que des militants du CAR. Mais je vous assure que nos militants constituent à peine la moitié du public. Le gros, c'est davantage des militants de la démocratie, des togolais qui se battent pour le changement démocratique. Le changement ne viendra pas par notre silence, par notre résignation. Lorsque, face à l'oppression le peuple se montre incapable de réagir, de parler, c'est la catastrophe, c'est la mort du processus démocratique. Il est réconfortant que les jeunes l'aient compris en se mobilisant massivement pour barrer la voie à l'arbitraire qui me menace. Je souhaite que la même solidarité se manifeste derrière tout autre démocrate qui, demain, viendrait à faire l'objet d'une menace similaire.

Je remercie ensuite les leaders des partis politiques qui m'ont, sans exception, apporté leur soutien. Eux tous qui, depuis le 20 juin 2001, m'ont accompagné dans ce calvaire, avec une grande sincérité.

J'adresse tout autant mes remerciements aux gardiens de préfecture et aux autres forces de l'ordre pour la manière dont ils se sont comportés durant le procès.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude aux confrères et aux consœurs du barreau de Lomé pour le travail excellent qu'ils ont accompli. L'action politique m'a depuis quelques années éloigné du prétoire. Monsieur le Président, vous me l'aviez reproché un jour. Je suis heureux de pouvoir, à la faveur de ce procès, revenir dans la maison, fût-ce dans des conditions que j'aurais souhaitées autres. Je suis émerveillé par tout ce que j'ai vu. Je ne savais pas que les bâtonniers d'Almeida Loretta, Amégadjié, Doé-Bruce, Me Bébi Olympio et autres anciens demeurent toujours aussi brillants que naguère.

J'ai été agréablement surpris de voir que le barreau regorge de jeunes pleins à la fois de talent professionnel et de passion pour la défense des libertés fondamentales. Ils ont impressionné par leur courage, leur audace dans l'expression de leurs convictions. Je suis ravi de m'apercevoir que le barreau demeure le grand flambeau de la liberté pour notre pays. Et je ne saurais, en la circonstance, m'empêcher d'évoquer le 5 octobre, symbole fort du processus démocratique. C'est en ces lieux que l'événement s'est produit, sous les yeux des avocats qui en ont porté témoignage au monde entier. Par ces heures où les forces oppressives s'emploient à anéantir les acquis démocratiques, je salue ce regain de l'engagement de nos jeunes avocats pour la défense de l'idéal démocratique.

Je voudrais enfin vous remercier, Monsieur le Président, pour la maîtrise avec laquelle vous avez conduit ce procès. Je m'en serais voulu si je n'étendais pas ce sentiment de gratitude au procureur de la république. J'aurais laissé l'impression d'ignorer que vos marges de liberté ne sont pas les mêmes. Je disais, il y quelques instants, que le procureur de la république est procureur du Pouvoir en place et qu'il est tenu comme tel de se conformer aux instructions qui lui sont données. Vous, Monsieur le Président, vous avez le privilège de l'indépendance, vous n'avez d'instructions à recevoir que de votre conscience. Et comme votre conscience est le sanctuaire de Dieu vous êtes procureur de Dieu. Et c'est par vous, grâce à vous que le magistrat du Parquet peut échapper à l'infamie que lui ferait encourir une soumission sans discernement aux ordres du Pouvoir. Car le Pouvoir ne peut continuer à imposer ses instructions par le canal des magistrats de Parquet qu'autant qu'il peut compter sur la docilité des magistrats de siège. Ce que j'ai pu observer dans cette salle depuis trois jours me rassure, Monsieur le Président, que vous êtes à l'écoute de votre conscience, à l'écoute de Dieu. Et c'est la Providence elle-même qui vous inspirera à rendre une décision conforme à son plan. Malgré le climat d'inquiétude que respire cette salle, nul ne peut prévoir le dénouement de ce procès. L'injustice et ses conséquences ne sauraient laisser Dieu indifférent. Le prophète Habacuc eut l'air d'en avoir douté, à son époque, en des termes pathétiques : "Pourquoi - écrivait-il - me fais-tu voir l'injustice ? Tes yeux supportent-ils l'oppression ? Je ne vois que pillage et violence ; on vit de disputes et de querelles. Du coup la loi a disparu, et la justice jamais n'arrive ; tant que le méchant opprime le juste, la sentence est faussée…." Mais Dieu ne mit guère du temps pour lui envoyer la réponse : "Regardez, traîtres, observez : vous en serez abasourdis, car j'accomplirai de vos jours ce que vous ne croiriez pas si on vous le disait". TOUT PEUT DONC ARRIVER.

Je vous remercie.

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